Par le Dr Sangla et le Dr Patte-Karsenti, neurologues à Paris
La dystonie se caractérise par des contractions musculaires prolongées entraînant des mouvements ou des postures anormales.
La dystonie peut se définir de différentes manières. Par son étendue : focale, bifocale ou généralisée. Par sa topographie : blépharospame pour l’orbiculaire des yeux, dystonie oro- mandibulaire pour la bouche et la langue, dysphonie spasmodique pour les cordes vocales, torticolis spasmodique pour les muscles du cou et enfin, dystonie des membres ou du tronc. Par ses circonstances de survenue : dystonie de fonction lorsque le mouvement anormal ne survient que dans une activité déterminée, comme par exemple l’écriture. Elle peut toucher n’importe quelle partie du corps, et peut en évoluant s’étendre à d’autres gestes voire apparaître au repos. La classification génétique s’est considérablement étendue ces dernières années. Les dystonies génétiques sont souvent des dystonies généralisées qui commencent dans l’enfance. Le DYT1 peut se rencontrer chez le jeune adulte, ainsi que le DYT6 qui débute dans l’adolescence par une dystonie cervicale. Les tests génétiques ne se font que s’il existe une histoire familiale et lorsque la dystonie débute avant l’âge de 26 ans.
Le traitement de la dystonie focale de l’adulte repose de façon variable sur la prise en charge kinésithérapique, les traitements per os, et la toxine botulique.
La prise en charge kinésithérapique spécifique a pour but de contrer le mouvement anormal, de renforcer les muscles qui ne « travaillent pas assez » et de remettre en place un schéma moteur qui va être fonctionnel. Il s’agit donc d’une kinésithérapie active pour laquelle le patient doit s’impliquer complètement. Le kinésithérapeute va être un guide et le patient devra faire quotidiennement les exercices qui lui ont été préconisés pour obtenir des résultats satisfaisants. La kinésithérapie est essentielle pour le torticolis spasmodique et la crampe de l’écrivain. Elle n’a pas d’indication dans les dystonies de la face. Le professeur Vidailhet et son équipe ont montré, par une étude de magnéto encéphalographie, que la représentation des différents doigts au niveau du cerveau, totalement désorganisé chez les patients souffrant d’une crampe des écrivains, revient à un état presque normal après la rééducation.
La toxine botulique est le traitement de première intention de la dystonie focale de l’adulte. Elle a totalement transformé la vie des patients dystoniques en leur permettant un confort de vie qu’ils n’avaient pas antérieurement.
La toxine botulique est la plus puissante des neurotoxines connues. Il s’agit d’une protéine qui est produite par une bactérie, le Clostridium Botulinum. Cette toxine est l’agent d’une maladie, le botulisme, qui se contracte en mangeant des conserves avariées. Bien qu’elle soit très puissante, elle est conditionnée à très petite dose. La dose mortelle chez l’homme se situe autour de 10 flacons.
Il existe 7 types de toxine. Seules les toxines A et B sont utilisées en clinique. Il existe trois toxines A sur le marché : le Dysport*, le Botox*, le Xeomin* et une seule toxine B, le Neurobloc*. Cette dernière est utilisée lorsqu’il existe une résistance à la toxine A car elle est moins puissante et a plus d’effets secondaires. La toxine botulique est une protéine que l’on injecte dans un muscle cible sur lequel elle va entraîner une paralysie transitoire qui sera proportionnelle à la dose injectée. Les effets secondaires que l’on va rencontrer sont rares et sont, le plus souvent, liés à une dose excessive. Une dose trop importante entraîne une paralysie excessive du muscle injecté voire des muscles adjacents. Les effets de la toxine sont toujours réversibles en quelques semaines, aussi bien pour ses effets positifs que pour ses effets collatéraux éventuels. Il faut savoir que les effets de la toxine sont toujours réversibles et ne laissent donc aucune séquelle.
C’est donc un produit très sûr entre des mains expertes. Les effets de la toxine sont transitoires mais peuvent se répéter, sans limite dans le temps et ne s’épuisent pas avec le temps. Les injections doivent être répétées tous les trois à quatre mois. Si l’on fait des intervalles trop courts, on s’expose à la formation d’anticorps contre la toxine botulique et donc à une inefficacité secondaire du traitement. Il n’y a pas de contre-indication absolue à la toxine mais la prudence est recommandée pendant la grossesse, et dans la mesure du possible on évite d’injecter la femme enceinte. La prudence est de rigueur aussi chez les patients sous anticoagulants. Les indications potentielles de la toxine sont extrêmement étendues, mais dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché seules certaines indications sont reconnues et donc susceptibles d’être remboursées par la sécurité sociale.
La toxine botulique est donc indiquée dans la dystonie lorsque l’on peut mettre en évidence un ou plusieurs muscles accessibles aux injections et dont la paralysie partielle n’entraînera pas de gêne pour le patient.
C’est le médecin qui, après un examen attentif, va déterminer les muscles cibles responsables du mouvement anormal. Les injections se font en intramusculaire. Aucune anesthésie n’est nécessaire, le produit étant indolore. La douleur causée par l’aiguille n’est que de courte durée. L’effet de la toxine est décalé de quelques jours le plus souvent et dure trois mois en moyenne.
Il faut alors refaire l’injection.
Certaines injections, en raison de difficultés techniques sont faites sous contrôle électromyographique. On met alors une aiguille reliée à un appareil qui va détecter l’activité du muscle lorsqu’il se contracte et éventuellement envoyer une petite décharge électrique pour le faire se contracter et voir le mouvement que cela entraîne. Pour la crampe de l’écrivain, les dystonies oromandibulaires et les dysphonies spasmodiques, l’électromyogramme est généralement utilisé.
Dans certaines formes de dystonie généralisée, et maintenant dans certaines formes de dystonies segmentaires sévères, on peut proposer un traitement chirurgical par l’implantation d’électrodes en intracérébral. Cette chirurgie a été développée par le Pr Coubes à Montpellier. Il a opéré les premiers enfants atteints de dystonie génétique DYT1 avec des résultats très satisfaisants depuis 1996.
Le principe est de restaurer une activité cérébrale normale, et de diminuer l’hyperactivité préfrontale en particulier, ce qui a pu être mis en évidence par des études en IRM fonctionnelle. Les résultats sont satisfaisants dans un grand nombre de cas, avec une amélioration de la dystonie du tronc et des membres. Les résultats sur le larynx sont moins favorables. Il s’agit d’une chirurgie lourde et éprouvante, qui est pour l’instant réservée à des formes sévères, car les résultats sont inconstants.
En conclusion, la prise en charge de la pathologie dystonique est plurielle. Les injections de toxine sont très efficaces et sûres. Leur résultat est d’autant plus net qu’elles sont associées à une prise en charge kinésithérapique spécifique. La chirurgie est une alternative prometteuse dont les indications sont plus restreintes.