Les pathologies physiques oro-faciales chez les cornistes d’orchestre professionnels – la Dystonie
C’est avec l’aimable autorisation de M Emilien Drouin, qu’AMADYS publie, ci-dessous, un extrait de son mémoire de recherche “Les pathologies physiques oro–faciales chez les
cornistes d’orchestre professionnels”. Cet extrait (pages 29 à 35 du mémoire) donne une explication claire, précise et synthétique de la dystonie du musicien. Retrouvez en bas de l’article l’accès à l’intégralité du mémoire.
AMADYS remercie M Emilien Drouin pour son aimable autorisation.
“La dystonie peut se définir par un trouble du contrôle des mouvements qui se présente comme un défaut de coordination musculaire. On voit peu à peu l’apparition de contractions musculaires involontaires lorsque l’instrumentiste réalise un geste musical.
On peut distinguer deux types de dystonies :
– La dystonie primaire ou idiopathique qui se caractérise par un problème spécifique qui n’est pas en lien avec d’autres pathologies. En d’autres termes, la dystonie est la pathologie.
– La dystonie secondaire est donc le symptôme d’une affection sous–jacente. Elle peut affecter plus ou moins de régions. Ici encore il en existe plusieurs types :
– La dystonie de région focale : elle est localisée sur une région précise.
– La dystonie multi–focale : elle implique plusieurs régions non reliées.
– La dystonie segmentaire : elle implique plusieurs régions adjacentes.
– La dystonie généralisée : elle affecte la plupart des régions du corps.
On peut donc dire que la dystonie du musicien et surtout la dystonie de l’embouchure chez le corniste professionnel d’orchestre est une dystonie focale primaire.
On parle généralement de crampe du musicien, ce qui est faux. Une crampe est une contraction douloureuse avec une intensité maximale évoluant de façon paroxystique. La dystonie du musicien quant à elle n’est ni douloureuse, ni d’intensité maximale.
Elle peut aussi survenir après un stress psychologique important ou après un changement important du rythme de travail, comme avant un gros concert. Il est plus rare qu’elle survienne après une blessure ou un traumatisme mais ça n’est cependant pas impossible. L’âge de survenue de la dystonie de fonction chez le musicien professionnel est généralement à la fin de la trentaine.
Il arrive parfois que le musicien qui a une dystonie de fonction ne s’en rende pas compte tout de suite et modifie sa façon de jouer pour réussir à nouveau les mouvement complexes qu’il n’arrivait plus à faire. Cela a pour effet d’aggraver sa dystonie. On peut noter également que jouer de plusieurs instruments de la même classe, ici la classe A (trompette, tuba, trombone, etc.), peut aggraver les symptômes, mais n’est cependant pas un facteur de plus pour le déclenchement de la dystonie.
Quels sont les moyens pour en guérir ?
Il faut tout d’abord aller voir un médecin spécialisé pour les musiciens qui fera ainsi un interrogatoire poussé sur les antécédents pathologiques du patient, sur son histoire professionnelle (à quel âge a–t–il commencé ? Quel style de musique joue–t–il ? Combien de temps joue–t–il par jour ? …). Il pourra aussi en demander davantage sur le trouble en lui–même (Quand est ce qu’il a commencé ? Quelles ont été les premiers symptômes ? Quelle a été son évolution ? Quelles–sont ses sensations quand il joue ? …)
Il est possible de résumer les signes cliniques en deux tableaux, en fonction de la faveur ou non du diagnostic de dystonie. Si le diagnostic n’est pas en faveur de la dystonie, c’est que c’est une crampe:
Évaluation à l’instrument de la dystonie (image cliquable)
On peut classer ces différentes affections en six catégories, selon FRUCHT(FRUCHT, 2009, n°24, p1752–1762) .
– Tremblement de l’embouchure
– Etirement de la lèvre
– Fermeture des lèvres diminuant voire empêchant l’émission du flux d’air
– Implication de la mandibule (fermeture et déplacement)
– Implication de la langue avec des mouvements non coordonnés
– Meige, en référence au syndrome de Meige qui est l’observation de mouvements involontaires de la partie inférieure ou supérieure de la face.
En fait, ce qui est le plus répandu au niveau des lèvres pour le corniste professionnel d’orchestre est le tremblement de l’embouchure.
Traitements possibles :
Pour minimiser la progression de la dystonie, il faut ne pas chercher à lutter contre les mouvements dystoniques car cela augmenterait les tensions déjà présentes. Aussi il faut éviter de jouer d’un autre cuivre pendant cette période car cela pourrait aggraver les symptômes.
On peut essayer de changer de technique ou de position pour améliorer les symptômes, mais cela ne règlera pas le problème et retardera la guérison.
Malheureusement, il n’existe pas de traitement type connu à ce jour et les traitements préconisés ne permettent pas toujours de retrouver ses capacités à cent pour cent, ce qui est souvent ressenti comme un échec par le patient malgré une amélioration notable des symptômes.
Les différents traitements connus sont :
– La médication orale : On donne des molécules anticholinergiques telles que la trihexyphénidyle au patient. Cela aura pour effet de bloquer l’acétylcholine dans les récepteurs qui jouent un rôle dans la planification et l’exécution des mouvements. C’est un neuromédiateur responsable du passage de l’information entre le nerf et le muscle. C’est lui qui entraîne la contraction musculaire. En effet, lorsqu’elle bloquée la contraction des muscles ne peut plus se faire. On ne connait malheureusement pas encore un dosage thérapeutique fixe, ce qui entraine des progrès très difficiles à observer et à évaluer. Cette solution ne convient pas pour beaucoup de patients qui, très souvent, ne voient pas d’amélioration des symptômes.
– La toxine botulique : Il s’agit d’injecter une toxine dans les muscles dystoniques afin de limiter la contraction de ses derniers en inhibant la libération d’acétylcholine.
Comme pour la médication orale, le dosage est difficile à mettre en place. De plus le choix des muscles qui auront la toxine est très compliqué. À moyen ou long terme une réinjection est nécessaire pour que l’effet ne s’estompe pas. C’est donc une solution à effets très rapide pour retrouver sa façon de jouer mais cela ne guérit pas le patient pour autant.
– La procédure neuro–rééducation : Le but de cette procédure est de déprogrammer les mouvements nocifs, de corriger les troubles statiques et fonctionnels en réapprenant les mouvements qui respectent la physiologie. La procédure est longue et fastidieuse, elle demande l’arrêt complet de l’activité instrumentale mais elle reste la meilleure solution pour un rétablissement complet et permanent des capacités du musicien.”
Mémoire d’Emilien Drouin à consulter en intégralité, ici :
Les pathologies physiques oro-faciales chez les cornistes d’orchestre professionnels