Questions / Réponses pour comprendre la crampe de l’écrivain, élaborées à partir des articles publiés dans la revue Kinésithérapie Scientifique (KS) n° 367, 368, 369 en 1997 (avec l’aimable autorisation de la SPEK- éditeur) et en collaboration avec le Dr Jean-Pierre BLETON, PhD Kinésithérapeute, Unité James Parkinson, Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, Paris. Mise à jour Avril 2021.
Qu’est-ce que c’est ?
La crampe de l’écrivain est une dystonie segmentaire de la tâche d’écriture qui touche le membre supérieur dominant et plus particulièrement les muscles du poignet et des doigts.
Quels symptômes ?
Elle perturbe l’écriture alors que tous les autres gestes fonctionnels qui impliquent l’utilisation de ces mêmes muscles n’en sont pas affectés. Elle se manifeste dès les premiers mots ou après plusieurs lignes, selon le degré de gravité de la dystonie. Le membre supérieur prend des postures anormales dont les plus fréquemment rencontrées sont :
- l’écartement et la flexion du coude
- une forte pronation de l’avant-bras
- une flexion ou une extension du poignet
- une crispation des doigts sur le stylo
- l’élévation d’un ou de plusieurs des doigts assurant la tenue du stylo
Les différentes attitudes pathologiques prises par le membre supérieur au cours de l’écriture rendent difficile ou impossible la poursuite de l’écriture. Le déplacement du stylo sur la feuille est obtenu grâce à des mouvements compensatoires de l’épaule qui rendent la fonction d’écriture pénible et maladroite et le message écrit peu ou pas lisible.
Qui en souffre ?
L’âge a son importance. Dysgraphie acquise de l’adulte, il semble exister deux périodes d’apparition au cours de la vie :
- Une forme du sujet jeune, touchant des patients à la fin du lycée ou en université n’ayant pas eu à utiliser beaucoup leur écriture et pour lesquels pourrait exister la possibilité d’une sensibilité génétique.
- Une forme plus tardive qui semble être la conséquence d’une surutilisation de l’écriture chez des sujets ayant de mauvaises habitudes gestuelles.
Les professions à risque soulignent la relation existant entre crampe des écrivains et la quantité d’écriture. Parmi les professions les plus touchées on rencontre les enseignants, les médecins et les comptables. Certaines conditions d’écriture favorisent la survenue de la dystonie comme l’utilisation de formulaires à feuilles superposées ou une écriture très contrainte par l’utilisation de questionnaires à remplir de manière rigoureuse et calibrée. Un traumatisme initial corporel ou psychologique est rapporté comme le mécanisme à l’origine de la dystonie dans 15 à 20 % des cas.
Comment la diagnostiquer ?
Les défauts propres à la graphomotricité sont appréciés en modifiant la tenue du stylo. Ils s’observent au niveau du tronc, de la tête et des épaules. Ils affectent la relation entre :
- la main du scripteur et le support de la table
- les différents segments membre supérieur entre eux
- la main et le stylo
- le stylo et la feuille de papier
La quantité d’écriture, la vitesse d’exécution et lisibilité du tracé sont l’objet d’une analyse précise. Les écrits présents et antérieurs à la survenue de la dystonie sont comparés. L’imagerie médicale et l’I.R.M. en particulier ne montrent pas de lésion du système nerveux, elle n’est utile que dans des cas très particuliers.
Est-ce une maladie douloureuse ou handicapante ?
La gêne est en général indolore ou peu douloureuse, ce qui la différencie des syndromes de surutilisation (« overuse syndrom »), conséquence d’un surmenage musculosquelettique, lié à un excès d’écriture, associé ou non à un défaut du geste.
Comment évolue la maladie ?
L’ancienneté de la dystonie apporte des informations sur l’évolution. Certaines crampes des écrivains qui à l’origine étaient simples et limitées à l’écriture, peuvent évoluer en tache d’huile pour contaminer d’autres gestes fins de la main dominante et même modifier la posture du membre supérieur en lui imprimant une attitude dystonique plus ou moins marquée. Les rémissions spontanées dans les premières années ne sont pas rares ainsi que les rechutes par la suite.
Quels sont les traitements ?
Les traitements possibles sont les médicaments myorelaxants, les injections de toxine botulinique au niveau des muscles impliqués dans l’attitude pathologique et la rééducation à laquelle est parfois associée la relaxation ou le contrôle du mouvement par myo-feedback. L’expérience montre que l’association judicieuse des différents traitements apporte dans un nombre de cas non négligeable une amélioration sensible en terme de confort et de lisibilité et parfois même la disparition de la gêne fonctionnelle.
En quoi consiste la rééducation ?
Schématiquement la rééducation peut être organisée en trois phases successives.
- Un temps initial de relâchement musculaire dont les objectifs sont :
- d’obtenir la détente des muscles de la région cervicale, de l’épaule, du coude, du poignet (articulation essentielle) et des doigts
- de respirer sur un rythme calme et profond
- de faire céder les contractures par des étirements des plans musculaires et fibreux
- de diminuer ou de faire disparaître les points douloureux (les principaux se rencontrent au niveau de l’insertion des muscles épicondyliens, du rond pronateur et/ou de l’adducteur du pouce)
- de réactiver les muscles qui corrigent la position pathologique prise pendant l’écriture
- Le deuxième temps est la phase de réappropriation de l’outil. Il s’agit de retrouver des mouvements libérés de la tension musculaire, au niveau de l’extrémité distale du membre dominant. Le sujet apprend à contrôler la liberté des mouvements de son poignet, à exécuter des mouvements amples et coordonnés avec un matériel varié (feuilles de papier de différentes tailles, chevalet, …) et des outils différents (baguettes chinoises, billes, crayons à facettes, brosses pour peindre, stylo à bille, feutres). La rééducation débute par des manipulations d’objets pour porter ensuite sur des exercices pictographiques de difficulté progressive.
- La dernière phase est le temps de production écrite. Le sujet est engagé dans des exercices divers d’écriture. Il apprend à reconnaître les activités musculaires qui perturbent son écriture, à les contrôler et à les éliminer. Il surveille la qualité de son geste pendant la scription. Il s’agit de renforcer le temps de correction volontaire pour tenter d’influer sur les automatismes de l’écriture. Meige suggérait « d’écrire peu, lent, rond, gros et droit ».