Par Maria V., conjointe de patient atteint de dystonie cervicale
Le 6 janvier 2019
La première fois que j’ai entendu parler de dystonie cervicale, ma réaction a été immédiate : « c’est impossible », ai-je dit à mon conjoint. C’était en septembre 2017, il n’avait pas encore été diagnostiqué et il cherchait désespérément à mettre des mots sur ce qu’il ressentait. Fin septembre 2017, le diagnostic tombe : il avait bien une dystonie cervicale.
Il m’a fallu faire un long chemin avant de comprendre ce qu’est la dystonie cervicale et ce qu’elle implique (notamment la partie visible et non visible), et d’accepter ce qu’elle a changé dans notre vie de tous les jours.
Dès le début des premiers symptômes, j’ai eu beaucoup de mal à les comprendre et à les « voir » par moi-même. En effet, étant une personne proche, je ne provoquais chez lui aucune sensation de gêne ni de stress, ce qui rendait donc les symptômes moins facilement perceptibles. J’ai vraiment pris conscience de cela lorsque nous sommes allés ensemble à l’hôpital pour la première fois ; il devait expliquer ce qu’il avait afin de prendre un rendez-vous avec un kinésithérapeute et c’est à ce moment précis que j’ai vu le mouvement de la tête.
J’ai ensuite vécu à ses côtés l’expérience du traumatisme et les étapes psychologiques s’y rapportant : il y a d’abord le choc, puis le déni, la colère, enfin l’acceptation, et c’est une fois que vous avez traversé tout cela que vous pouvez envisager la reconstruction, et voir la vie autrement. Ces phases, le conjoint/la conjointe peut aussi les vivre lui-même/elle-même : pour moi, une des périodes les plus difficiles a été celle du déni : j’étais moi-même dans le déni lorsque je refusais de voir qu’une maladie aussi rare pouvait s’abattre sur quelqu’un d’aussi proche. À cet égard, le corps médical, mes lectures personnelles ainsi que l’association Amadys ont été d’un grand réconfort. Entendre un médecin dire que la dystonie cervicale n’est pas la fin du monde, qu’on n’en guérit pas mais qu’on peut tout de même apprendre à bien vivre avec, a été source d’espoir.
L’entourage d’une personne atteinte de dystonie cervicale est essentiel à son bon rétablissement : le patient a besoin de réconfort et de soutien, il doit être écouté et surtout compris. Cet entourage lui est essentiel pour partager les premières victoires comme le simple fait de pouvoir garder la tête droite pendant 10 secondes, ou faire 10 pas en gardant la tête droite.
Une des lectures qui m’a le plus marquée est celle de Tom Seaman, Diagnosis Dystonia: Navigating the Journey (Shadow Panther Press, 2015). Il explique aux personnes non atteintes de cette maladie comment une personne atteinte se sent ; et cela m’a aidée à prendre conscience de beaucoup de sensations que l’on ne peut pas forcément voir. Il existe en effet un réel décalage entre ce qui peut être vu de l’extérieur et ce que ressent le patient tous les jours. Dans un passage du livre, l’auteur explique comment quelqu’un qui n’est pas atteint de cette maladie peut comprendre ce qu’une personne touchée par la dystonie cervicale sent en permanence : il décrit la sensation permanente comme si vous deviez plier votre bras et contracter les muscles en serrant le point, tout en essayant dans le même temps de le déplier. Voila ce que vivent les personnes atteintes de dystonie cervicale tous les jours. J’ai lu ce livre fin novembre 2017. Cela m’a pris, et je le dis aujourd’hui avec un certain regret, deux ou trois mois pour comprendre une chose aussi simple : ce sont des muscles qui « tirent » en permanence et qu’on ne peut pas contrôler.
Je pense qu’à l’instar des patients, l’entourage proche tel que le conjoint doit lui aussi vivre les étapes du choc, du déni, de la colère et de l’acceptation, et qu’une fois ces dures étapes traversées, il est beaucoup plus facile de faire face à toute autre difficulté. De plus, l’entourage peut aussi pleinement prendre part aux exercices d’auto-rééducation du patient : ainsi, comme mon conjoint a un torticolis droit, il a fallu que je prenne l’habitude dans les premiers mois de me placer à sa gauche lorsque nous marchions ou lorsque nous étions assis dans les transports en commun, de façon à l’inciter à tourner la tête en correction. Un autre exemple d’exercice auquel l’entourage peut participer est le suivant : afin d’encourager le patient à tonifier les muscles correcteurs, le conjoint peut se placer du côté opposé de la dystonie du patient et lancer en direction de celui-ci une balle de manière répétée. Aussi le conjoint peut apprendre à assister le patient dans certains moments sources de stress pour lui : ainsi lorsque le patient doit réaliser certaines tâches, certains mouvements en public – par exemple, ouvrir un sac, prendre des affaires de son sac, etc. Le conjoint doit toutefois garder à l’esprit le fait qu’il ne doit pas se substituer au patient dans la pratique des tâches quotidiennes, mais qu’il peut seulement l’aider en cas de besoin, en anticipant certaines situations : car le patient doit aussi être incité à se rééduquer, ce qui ne peut venir que de lui-même.
Cela fait aujourd’hui 1 an et 3 mois que nous vivons avec la dystonie cervicale – et je tiens à dire nous. Car l’être humain est incroyablement adaptable face à des circonstances difficiles : il est capable de traverser les pires expériences tout seul. Mais à quoi bon les vivre tout seul si on peut partager cette expérience avec la famille ou à deux ? Un conjoint, les parents, un frère, une sœur, un cousin, une cousine, un ami, un collègue peuvent en effet représenter tout un entourage positif de par leur expérience, leur patience, leur écoute, et leur initiative.