La dystonie cervicale myoclonique au quotidien
La dystonie cervicale, est la forme la plus commune des dystonies focales de l’adulte. Les formes “tremblantes” sont qualifiées de myocloniques. La myoclonie se caractérise par des contractions rapides et brutales d’un muscle ou d’un groupe de muscles.
La maladie est handicapante au quotidien et induit une adaptation constante des malades. Voici leurs témoignages.
Nathalie, trembler n’est rien. Mais souffrir…
“Nathalie, 61 ans, frappée par une dystonie cervicale tremblante et myoclonique un pas beau matin de janvier 2018, avec atteinte généralisée de tous les muscles du cou (sans posture anormale), transformant ma vie en souffrances à hurler jour et nuit, rendant impossible le moindre mouvement de la tête et du cou, tout relevant de l’exploit, luttant à chaque seconde, faisant comme je peux, devenant une sorte de super héros ; ne vivant plus au jour le jour, mais à l’instant présent, tout basculant d’une seconde à l’autre. Le pire du pire : le bac à cheveux chez le coiffeur, ce bac qui déchire, détruit, fracasse muscles et vertèbres du cou, de la nuque par le poids de la tête en arrière, des souffrances qui vont ruiner un peu plus la journée pour avoir voulu « changer de tête ». Rien ne m’est, nous est épargné. Ni répit ni recette miracle. Rien. Sauf porter ma tête avec mes mains pour soulager celui qui la porte : mon cou, aussi bien en marchant qu’au repos, sans pouvoir faire cesser ces tremblements incessants « du chef » qui me faisaient et me font grimacer, crier, tituber, vaciller, attirant le regard interrogateur mais jamais malveillant de l’autre dans la rue ou chez un commerçant. Ce regard amplifiant mes tremblements jusqu’à secouer tout mon corps, tout en parvenant à croiser les yeux de cet inconnu, à lui sourire avec compréhension parce que, moi aussi, j’ai été l’autre, mettant ainsi fin à son observation ; ou encore expliquer brièvement pour mettre à l’aise, être remerciée de l’avoir fait et avoir la paix. Mais aussi, au début d’un concert dans une église, m’être déplacée après avoir entendu les railleries à mon sujet du jeune couple assis derrière moi ; avoir soutenu avec un sourire, le regard pénétrant de deux pré-adolescents effrontés pour tenter de leur faire baisser les yeux, m’être mise à leur hauteur pour expliquer, puis être confrontée à l’indifférence des parents occupés à toute autre chose. Où que je sois, sauf situation particulière, j’en ai fini du regard de l’autre, laissant les tremblements faire ce que bon leur semble. Ni gêne, ni honte. Jamais. Être gênée, avoir honte, c’est se renier.
Moi et ma « Bloblotte » allons vieillir et mourir ensemble ; l’avoir acceptée rend les choses moins difficiles pour que notre vie commune se passe du mieux possible.
Envers et contre tout, la vie est belle.”
Nathalie Delannoy
Nathalie, quand marcher fait mal
Sylvie, prendre soin de soi et affronter le regard de l’autre
“J’ai une dystonie cervicale diagnostiquée en 1993 suite à la prise d’un médicament antiépileptique. De fait, je n’ai pas eu à subir d’errance médicale, étant déjà suivie par un neurologue, celui-ci m’a orientée vers un médecin injecteur. Mais les explications de ce dernier ne m’ayant pas convaincue, j’ai refusé dans un premier temps, les injections de toxines.
Pendant de nombreuses années, mon état n’a fait qu’empirer : tremblements, spasmes, tête penchée à gauche et douleurs intenses en fin de journée qui se diffusaient dans le bras droit au point de ne pouvoir le lever.
Je devais garder une coupe courte ne pouvant me coiffer convenablement. J’ai également dû arrêter de porter des lentilles vu l’impossibilité de les ajuster correctement.
Quant au maquillage, n’en parlons même pas, imaginez la scène sans lentilles ni lunettes, j’ai abandonné le jour où mon fils m’a demandé dans quel spectacle j’allais faire le clown.
Le plus gênant, malgré les injections que j’ai commencées en 2017, est le stress provoqué par la prise de parole en public qui déclenche aussitôt des spasmes. Lors de mon dernier entretien professionnel, dès le début, j’ai précisé que j’avais un torticolis spasmodique (ça parle mieux que le mot dystonie). Ceci m’a permis une meilleure concentration sur l’entretien et oublier le regard des recruteurs sur ma tête qui partait dans tous les sens.”
Sylvie Muzyka
Sylvie, ma tête part dans tous le sens
Alain, pourvu que je ne me coupe pas.
“Il aura fallu un peu plus de 6 ans pour avoir un diagnostic, dystonie cervicale tremblante, myoclonique en fait. Après des essais de médicaments et d’injections de toxine botulinique, j’ai fait le choix de tenter la vie sans tout cela. Cela fait presque trois ans maintenant que je vis sans traitement. Je mentirais en disant que c’est facile tous les jours, il faut constamment s’adapter, veiller à éviter les mauvaises postures qui ont tendance à faire souffrir le dos, etc.
Sans vraiment y prêter attention, petit à petit on met en place des gestes compensatoires. Par exemple, messieurs, avez-vous déjà essayer de vous raser avec la tête qui tremble sans cesse d’avant en arrière par petits coups saccadés? Ajoutez-y une main gauche qui tremble, pour faciliter le tout. Au début, on essaye un peu tout, retenir sa respiration en espérant que cela atténuera le tremblement, se pencher un peu en avant, en arrière.
Bien sûr, il y a le rasoir électrique me direz-vous. Encore faut-il qu’il soit résistant, le mien n’a pas survécu à un vol plané à travers la salle de bain, suite à un tremblement inopiné de la main droite. Le rasoir à main, au final coûtera moins cher à remplacer.
Puis j’ai fini par trouver le geste qui m’aide, vraiment par hasard, suite à un agacement lors de la séance de rasage. La main gauche dans le dos! Et oui, ne me demandez pas pourquoi, mais dans cette position ma tête tremble moins. Mais ce n’est pas toujours facile lorsqu’il faut tendre la peau pour certaines parties du visage, quand on a la main gauche qui tremble. Dans ces moments là, je retiens ma respiration en espérant que je ne raserai pas un sourcil ou pire, que je ne ferai pas voler une oreille.
La tête qui tremble a parfois ses moments cocasses. La mienne dodeline en faisant constamment oui, ce qui me vaut régulièrement des saluts de personne que je ne connais absolument pas et qui pensent que je leur dit bonjour.
Parfois une tête qui fait oui, peut provoquer de la confusion. Comme lors d’une réunion de travail, lorsque le Directeur évoque un projet, qu’au moment où il parle vous vous rendez-compte que cela n’est pas faisable. Quand le stress monte, parce qu’il faut dire au Directeur que cela ne va pas être possible. Et, votre tête se met à faire oui de plus en plus fort. Le Directeur de s’exclamer alors, je vois qu’Alain est de mon avis.”
Alain Faucon
Alain, ne regardez pas ce que ma tête dit