Témoignage de Dominique, vivre avec une dystonie

Témoignage de Dominique, vivre avec une dystonie

Témoignage de Dominique, vivre avec une dystonie

Il était une fois une adolescente qui croquait la vie à belles dents. Elle tremblait bien un peu mais n’y prenait garde. Elle aimait la vie au grand air et se passionnait pour les chevaux, son premier métier. Néanmoins, elle prépara un BTS lui permettant de subvenir à ses besoins en cas d’accident, mais préférait travailler en plein air en arboriculture. Elle pensait vivre sainement mais soupçonne maintenant les produits neurotoxiques employés d’avoir favorisé le développement de sa maladie.

Plus tard la vie lui souriait toujours. Elle fonda une famille et éleva sans problème deux enfants sans oublier de s’adonner à ses nombreux centres d’intérêt artistiques, sportifs, intellectuels.

Tout ce qui lui tombait sous la main était prétexte à des créations que ses amis se faisaient bien souvent offrir.

Que la vie était douce entre danse, poterie, peinture sur porcelaine, couture, mandoline, guitare…ski, tennis, randonnée, treck… !

Mais voilà ses tremblements la rattrapèrent.

Elle consulta donc à Marseille le service « Troubles du mouvement ». Après plusieurs consultations, sans autre solution que de la toxine botulique pour ses dystonies, car aucun médicament et traitements parallèles (CBD, médecine photonique…) ne pouvaient soulager les tremblements, elle décida de demander un deuxième avis au CHU de Grenoble : diagnostic tremblement dystonique généralisé sévère.

A son grand soulagement, il lui fut proposé un traitement par HIFU (hight intensity focus ultrasound). Hélas l’HAS ne donna pas son accord pour le remboursement des actes, donc la machine ne fut pas achetée, comme elle l’avait espéré pendant 2 ans.

Lasse, elle décida donc de se tourner vers les hôpitaux espagnols qui pratiquent ces interventions couramment, mais sa neurologue, lui proposa alors une SCP. Elle en fut heureuse car les résultats de cette opération sont souvent très bons, réversibles, et soignent les 2 côtés du corps.

Tout alla ensuite vite : elle fut jugée éligible par son neurochirurgien, à condition de faire emboliser 3 anévrismes préoccupants, ce qui fut fait dans les deux mois qui suivirent.

Elle pensait alors être bien positionnée sur la liste d’attente car la sévérité de ses troubles et son âge (71 ans) justifiaient une prise en charge rapide d’après les soignants.

Son chirurgien lui a fait grand plaisir en lui annonçant être confiant dans une réduction de la moitié de ses troubles. (Comment mesurer un trouble neurologique?). Aujourd’hui ses troubles se sont aggravés exponentiellement donc elle suppose que la moitié s’est amenuisée et qu’au fil du temps le pourcentage d’amélioration diminue…

Aujourd’hui, sa vie est devenue un parcours du combattant. Les objets, si serviables quand dextérité il y a, deviennent des ennemis qui s’échappent, se cassent, se renversent… et surtout blessent. Ses journées sont une suite de coups, chocs, griffures, brûlures… Elle craint plus spécialement pour ses yeux car elle s’est auto infligée une griffure à l’œil et a craint le pire.

Sa démarche devient de plus en plus instable car sa jambe droite « lâche » fréquemment sans raison.

« Vous êtes trop maigre » dit son docteur. Alors la suralimentation est au programme, mais, comme on ne grossit pas avec de la salade, le taux de cholestérol explose !

« Chaque jour est un cadeau c’est pourquoi on l’appelle le présent » mais quand chaque jour est une cacophonie qu’il est difficile de se lever !

Premières épreuves :

Coups de gants de toilette et de brosse à cheveux : au sens propre !

S’habiller : gymnastique pendant laquelle les fermetures éclairs font du zèle, ses chaussures caracolent…

Le café froid, car elle ne peut pas le préparer seule, l’attend armé de sa paille.

L’hygiène dentaire est un challenge : hydropulseur et brosse à dents électrique refusent de se tenir tranquilles, s’échappent, cognent, blessent, malgré toute une stratégie mise en place (morsures, meurtrissures). Durée de l’opération : 1/4 d’heure (3/jour) avec souvent un résultat approximatif par abandon.

Trois incisives lui ont été arrachées, car trop ébranlées par la violence des mouvements incontrôlés de ses mâchoires.

Bravo à son dentiste qui a le courage de soigner une bouche trépidante !

La journée commence mais que faire quand tout lui est hostile ? Les objets se liguent contre elle :

Ouvrir une porte : coups, ouvrir un tiroir : chocs, attraper un objet : coups, poser un objet : re coups. Ouvrir un robinet, le fermer : chocs, chocs, chocs… Se laver les mains : chocs, sans compter les coups qu’elle s’inflige elle-même. Le tout accompagné de génuflexions incontrôlées et déséquilibrantes qui lui font rencontrer les murs, pourtant protecteurs à la base.

Elle a l’impression d’avoir un corps à la mécanique bien rôdée mais dont le programmateur dysfonctionne.

Elle aimerait bien continuer à utiliser son ordinateur, mais, que nenni, les touches du clavier refusent à répondre aux violentes marionnettes que sont ses mains. Elle a tenté d’utiliser un logiciel dictaphone mais sa dystonie laryngée empêche l’ordinateur de comprendre sa dictée.

Elle peut cependant se défouler en effectuant le gros ménage. Ce qui, auparavant lui semblait une corvée, est devenue source de satisfaction car elle se sent utile.

Vive la solidité de son aspirateur !

Puis vient l’heure du repas que, bien entendu, elle ne peut préparer. Les aliments lui sont directement posés sur une plaque de verre, elle mange avec ses deux mains, macule son visage, ses lunettes, la table et le sol… Pour certains aliments elle se résigne à recevoir la becquée.

Bien entendu, elle refuse systématiquement toute invitation à des repas conviviaux ne voulant pas imposer ce spectacle à ses amis. L’imposer à son compagnon lui est déjà très pénible !

Pauvre homme qui a choisi une compagne dynamique et se retrouve aidant d’une handicapée ! Ne va-t-il pas se lasser ?

La sieste : havre de paix et de récupération pendant lequel les câbles des muscles de son dos et de son cou en profitent pour se détendre un peu.

PM : Sa deuxième et dernière activité encore relativement facile est le gros travail du jardin : bêchage et piochage lui sont encore possibles. Youpi ! Par contre, le maraîchage plus fin lui est désormais impossible, récoltes comprises.

Elle qui, autrefois, trouvait les journées trop courtes…

Les abeilles étaient ses amies et leur miel était une source passionnante et lucrative. Adieu les ruches !!

La montagne était son royaume, aujourd’hui elle n’y règne plus car y trébuche.

Prendre sa douche lui est encore possible, seule, mais pour combien de temps ? En aucun cas elle n’acceptera une aide extérieure.

La soirée : re corvée repas ! Puis, faute de mieux, télé.

Malgré ce peu d’activité, son corps a fait du bodybuilding toute la journée et elle retrouve sa couette avec soulagement.

Elle ne peut plus du tout écrire, téléphoner, conduire, utiliser un ordinateur… et ne peut plus marcher, manger, boire…. sans grosses difficultés. Elle est donc totalement dépendante de son entourage, ce qui lui pèse énormément.

Les mots qui émaillent son quotidien sont « merci » (dépendance) et « aïe » (coups et meurtrissures dus à la violence incontrôlée de ses gestes).

Ne pas pouvoir communiquer, accepter une invitation à dîner, jouer à des jeux de société… Adieu vie sociale !

Quelle frustration de voir ses amis artistes créer, ses amis sportifs randonner, ses amis danseurs évoluer souplement … !

Par contre, elle apprécie particulièrement la gentillesse de son entourage et est agréablement surprise par la serviabilité de personnes étrangères à qui elle est obligée de demander de l’aide.

Cette personne c’est moi, qui attend à ce jour désespérément un signe du CHU m’indiquant une date pour cette SCP salvatrice et, qui, déstabilisée par le manque d’information, retrouve ses idées noires sous un sourire de façade.

Dominique.

Merci aux amis qui ont tapé ce courrier pour moi.

PS : N’est-il pas indigne que des milliards soient employés pour rechercher des bactéries sur la planète Mars alors que des millions de gens sur terre attendent un traitement leur permettant de vivre correctement, ou pire n’attendent plus rien de la médecine faute de financement ?

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