Le 28 mars s’est tenu un Webinaire (séminaire en vidéo sur Internet) à l’initiative de nos amis québécois Dystonie-Partage sur la dystonie en temps de pandémie.
Animé par le Dr Sylvain Chouinard, neurologue spécialisé en troubles du mouvement au CHUM de Montréal, Dr François Evoi, Président de l’Association des Neurologues du Québec, et le Dr Marie-Hélène Marion, consultante neurologiste à Londres.
Egalement par Chantale Boivin, Responsable et Organisatrice de Dystonie-Partage, groupe de soutien québécois, et Edwige Ponseel, Présidente AMADYS et Vice-Présidente Dystonia Europe.
Le compte-rendu du Webinaire, écrit par nos bénévoles participants, apparaît après la vidéo.
Bon visionnage, votre équipe AMADYS
COMPTE-RENDU :
Ce premier Webinaire a été organisé dans l’urgence, en remplacement d’une conférence grand public au Québec qui a dû être annulée, compte tenu de la crise sanitaire, et le groupe français a été invité.
Contexte :
En France, arrêt quasi-total des injections de toxine botulinique et des séances de rééducation. Dans le reste de l’Europe, la situation est variable d’un pays à l’autre. Au Québec, on continue d’injecter à ce jour mais il y a de fortes craintes que les mesures de suspension arrivent prochainement.
Cette situation et l’impossibilité de prévoir la fin de crise, donc de la reprise des rendez-vous d’injections créent une grande angoisse chez les patients atteints de dystonie qui ont peur de retrouver le handicap antérieur aux injections, de perdre des améliorations constatées et craignent de se retrouver à la case départ.
Le Dr Marie-Hélène Marion, invitée à ce Webinaire, remercie les organisateurs d’avoir initié cet échange qui permet d’envisager le « comment on peut faire » pour ne pas céder au désespoir. Elle comprend le caractère anxiogène de la situation et veut par les propos qu’elle va tenir dire stop à la panique (stop, look, listen = stoppe, regarde, écoute). Son exposé s’appuie essentiellement sur la dystonie cervicale mais toutes les formes de dystonie sont concernées par les considérations générales et l’état d’esprit avec lequel vivre ces moments.
Stop : Faisons le point de la situation. Prenons le temps d’analyser.
Look : Ne paniquons pas. La dystonie est une pathologie qui existe depuis longtemps.
Listen : S’écouter, ne pas se désœuvrer, être bienveillant envers soi-même.
Points essentiels :
Le report des injections
La dystonie existait bien avant que la toxine botulinique soit reconnue et utilisée, et on a donc maintenant beaucoup de recul sur la maladie, son déclenchement, son évolution. En reprenant les études de Meige, les courbes montrent une évolution capricieuse de la maladie, puis une atténuation des symptômes et au bout de 5 ans, une « coexistence pacifique » malade-maladie. La courbe devient « plateau ». Mais les injections de toxine botulique ont bouleversé cette évolution naturelle de la dystonie, on ne voit plus de plateau. On peut considérer ces injections comme un « stimulus répétitif conditionnant », qui fait qu’après un délai de 3 mois, le patient ne se sent pas bien, a besoin de ces injections mais après 4 ou 6 mois il n’aurait peut-être pas été plus mal. Phénomène de « mémoire pharmacologique », de conditionnement car nous ne contrôlons pas toutes nos réactions.
Il ne faut donc pas avoir peur d’un intervalle prolongée entre les injections. Une étude menée sur 7 patients, injectés depuis 3/5 ans en moyenne, a montré que 4 à 6 mois après une injection (délai dû à une longue absence d’injecteurs), la dystonie était toujours sous contrôle. Ce délai imposé par la crise actuelle peut être aussi une opportunité pour explorer sa dystonie, voir prendre des « botox holidays », comprendre faire une pause avec la toxine.
Comment garder son calme alors que la dystonie s’accompagne d’une grande vulnérabilité psychique ?
Très sensibles au stress, les patients dystoniques doivent lutter contre les ruminations anxieuses.
Quelques pistes :
—–le self management
Il faut bouger, rester actif « le désœuvrement est aussi pernicieux qu’une existence agitée ».
Il faut garder des liens sociaux, se distraire et ne pas se laisser envahir par les mauvaises nouvelles.
Des démarches comme la méditation de pleine conscience peuvent minimiser le stress et améliorer le bien-être. La visualisation mentale qui consiste à s’imaginer sans dystonie, les yeux ouverts, tournant la tête, regardant librement autour de vous… peut s’avérer aussi très positive.
—-la discipline psychomotrice de Meige pour la dystonie cervicale
Préconisée en 1907, cette méthode basée sur des immobilisations et des mouvements devant un miroir vise à corriger des postures anormales et à apprendre à contrôler ses actes moteurs.
L’immobilité absolue est à garder pendant 5 secondes, 10 fois de suite avec un repos de 15 secondes entre chaque immobilisation. Les mouvements lents et réguliers concernent surtout la tête, les épaules : rotation, inclinaison, extension. Des exercices de relâchement musculaire complètent le dispositif.
Ces exercices sont à faire, à heures régulières, 3 fois par jour.
Par cette discipline, le patient devient acteur de son traitement. « Il ne guérit pas mais se guérit ». Les clefs du succès, selon H. Meige résident dans la persévérance, une vie réglée et méthodique et dans l’adoption d’une routine.
—-la bienveillance envers soi-même
Tous les exercices doivent être faits avec douceur, méthode, en favorisant la détente. Il ne faut pas en faire trop. Si des spasmes surviennent, il ne faut pas lutter, il faut respirer et les laisser passer. Ne pas hésiter à réduire le nombre, la durée des séances et faire surtout des exercices de relâchement musculaires. Ne pas utiliser le miroir en dehors des exercices.
Bienveillance qui doit s’appliquer bien sûr au-delà de ces exercices. Le calme reviendra après la tempête, ne pas avoir peur et se méfier de la rumination.
—-le traitement médicamenteux après avis du neurologue
Si nécessaire, ne pas hésiter à appeler son neurologue. Des médicaments existent pour la dystonie, la dépression, les troubles du sommeil…
Questions / Réponses :
- Sur le thème des traitements combinés, que rajouter aux injections ?
On peut combiner et au pic de la dystonie bien sûr : médicaments, discipline psycho motrice, rééducation… - Est-ce que les malades atteints de dystonie sont plus à risques par rapport au Covid-19 ?
Non sauf cas particuliers liés à l’âge par exemple, en cas de troubles respiratoires ou pour avaler, à vérifier - Au stade de la troisième injection, vais-je devoir tout recommencer ?
Le rythme de croisière doit être acquis dans tous les cas. - Québec / dystonie cervicale : l’usage de la marijuana peut-il aider ?
Après un essai mené sur 3/4 personnes, l’effet sur les troubles moteurs n’est pas démontré, peut-être sur les troubles non moteurs mais préférer la méditation qui apporte de très bons résultats. - Lien dépression-dystonie : est-ce que la dépression est une conséquence de la dystonie ou phénomène primaire associé ?
En fait, il y a les deux, on pense que la dépression fait partie de la maladie. - Comment traiter la douleur ?
Avec de la relaxation, des mouvements et pas avec des médicaments. Rappel de l’intérêt de la visualisation mentale (voir lien blog du Dr Marion, en anglais) et de la méditation de pleine conscience (mais pas en cas de spasmes trop sévères).
Le contexte induit de l’anxiété, donc des symptômes dystoniques plus importants car la dystonie est très sensible à l’émotion. Il est nécessaire de se protéger, faire des « pauses Covid », des journées sans informations. Apprendre à connaître sa propre dystonie. - Pensons aussi au positif qui va sortir de cette période. Des données pourront être récupérées sur ces intervalles sans injections, sur la notion de « mémoire pharmacologique », la programmation de notre cerveau à ces séances. Peut-être que beaucoup sont dans l’apaisement, leur plateau, sans le savoir !
- En cas de grande tension, peut-on prendre des médicaments ?
Oui, benzodiazépines : Clonazépam et Rivotril peuvent être prescrits mais pas actuellement, il y aurait un risque de dépendance, à éviter pendant ces mois difficiles. - Si problèmes avec l’équipement SCP / réglages ?
Contacter son neurologue mais il ne faut pas avoir d’inquiétudes à priori, cette mauvaise période aura une fin. - Peut-on arrêter son traitement de benzodiazépines ?
Ne surtout rien toucher à la posologie, ce n’est pas le moment de faire des changements ou un sevrage. - En cas de spasmes, laisser passer en utilisant la respiration, être bienveillant.
Le Dr Marion a été vivement remerciée pour son intervention qui va aider à répondre aux interrogations des malades. Son message sera diffusé.
Le docteur Chouinard, avec le souhait que nous passions tous à travers le virus, rappelle que les Québécois affichent actuellement des arcs en ciel à leur fenêtre avec ces mots : « ça va bien aller ».
Chantale Boivin, très contente de ce premier Webinaire qui a rassemblé plus de 100 connexions, annonce qu’elle en programmera d’autres. Cette nouvelle façon de communiquer, de partager, a été très appréciée.
Le mot de la fin est revenu à Edwige Ponseel, qui a exprimé de chaleureux remerciements pour les organisateurs et le Dr Marion dont la présentation, les mots, font du bien.
Blog du Dr Marion : https://infodystonia.com/
Dans l’intervalle, le Dr Marion nous a fourni une slide d’exercices pour le Blépharospasme :
Exercices pour Blépharospasme :
- Au début : Fermer les yeux serrés fort puis relâcher la fermeture – Imaginer ouvrir les yeux – Ouvrir et fermer les yeux.
- Puis : Cligner des yeux pendant des périodes de plus en plus longues – Puis maintenir les yeux a moitié ouverts, les paupières à moitié levées
Puis cligner d’un œil puis de l’autre ; puis ouvrer et fermer normalement - Exercices combinés : Être en état de relaxation en regardant la télé, en mangeant et parlant
- A aucun moment ne forcer l’ouverture des yeux.
Source : Sharpe R. Behaviour therapy in a case of BSP, 1974
A bientôt !